Soir d’hiver - Émile Nelligan
Par Lela S.
Nelligan, né le 24 décembre 1879 à Montréal, était un poète québécois influencé par le mouvement symboliste ainsi que par les grands romantiques. Son père, David Nelligan, était un immigrant irlandais qui ne parlait que l’anglais à la maison. Sa mère, Émilie-Amanda Hudon, était une Canadienne française douée pour la musique et fière de sa culture. Issu de la petite bourgeoisie, Nelligan fréquente de bonnes écoles, mais sa nature indisciplinée et son manque d’intérêt font de lui un mauvais élève. Il préfère se plonger dans l’étude et l’écriture de la poésie.
En 1897, à 16 ans et contre la volonté de ses parents, il abandonne ses études pour se consacrer à la poésie. La même année, il devient membre du Cercle littéraire de Montréal où de jeunes intellectuels et artistes se donnent rendez-vous pour partager des idées. Il compose environ 170 poèmes et réussit à en faire publier quelques-uns. Malheureusement, sa gloire est éphémère. À l’âge de 20 ans, il est interné dans un hôpital, car il souffre de troubles psychiatriques. Il y restera jusqu’à la fin de sa vie.
Entre 1897 et 1899, Émile Nelligan, seulement un adolescent à l’époque, a rédigé son œuvre poétique dans laquelle il est difficile de ne pas entendre l’expression d’une profonde détresse. Soir d’hiver fut composé vers 1898 et appartenait à la section de quinze poèmes intitulée « Les Pieds sur les chenets ». Il est publié la première fois par Louis Dantin dans le journal Les Débats le 14 septembre 1902. En 1965, le poème fut transformé en chanson par Claude Léveillée et interprété par Monique Leyrac.
Le poème Soir d’hiver a une forme fixe. Cela peut être interprété parce que ce poème obéit à des règles spécifiques, c’est-à-dire des règles qui peuvent porter sur les rimes, les vers, et les strophes. Soir d’hiver possède cinq strophes qui sont composées de cinq vers chacune. Les vers ont le même nombre de pieds, soit huit. Les rimes alternent entre des rimes masculines et féminines, et sont disposées dans les strophes de style ABABA, c’est-à-dire elles sont des rimes croisées.
Le lyrisme hivernal évoqué par Émile Nelligan dans son poème Soir d’hiver associe le « sinistre frisson des choses » aux « espoirs gelés » de son « âme noire ». Les spasmes de sa douleur font de sa vie un jardin de givre où les pleurs des oiseaux et des roses révèlent sa vulnérabilité.
Nelligan utilise les mots « spasme », « douleur », « gisent », « âme », « noire », « ciels », « pleurez », « pleurs », « sinistre », « frisson » et « ennui » pour démontrer le thème de la mélancolie. En effet, la poésie de Nelligan est profondément caractérisée par les thèmes de l’ennui et de la tristesse. Également, un autre thème qui est établi dans Soir d’hiver est, évidemment, l’hiver. Il emploie les mots « neige », « vitre », « jardin », « givre », « étangs », « gelés », « février », « roses », « branches » et « genévrier ».
Soir d’hiver est caractérisé par une forte redondance non seulement voulue, mais structurante dans la construction tant rythmique que sémantique du poème.
En effet, la phrase « Ah ! comme la neige a neigé ! » est répétée non pas deux, mais quatre fois, au début et à la fin du poème. Plus spécifiquement, cette phrase se répète dans les vers 1, 3, 16, et 18. Cet « encadrement » suggère un gel temporel, comme si la neige avait arrêté le temps.
Dans le deuxième vers, la métaphore est utilisée : « Ma vitre est un jardin de givre ». La vitre étant couverte d’une couche de givre, comment le regard du poète peut-il passer au travers ? Physiquement encerclé par la neige et le givre, son regard figé, le jeune poète reste immobilisé dans son propre poème.
Les vers 4 et 5 sont marqués par une comparaison : « Qu’est-ce que le spasme de vivre / À la douleur que j’ai, que j’ai ! ». Cependant, dans les vers 19 et 20, où cette comparaison est répétée, les mots « la douleur » sont remplacés par « tout l’ennui », ce qui met en lumière l’effet englobant de son ennui. La réitération parfaite, à l’exception d’un seul mot, du refrain répété au début et à la fin du poème a un effet plutôt déstabilisant. En échangeant ces mots, Nelligan insiste finement sur le dernier, « l’ennui », et oblige le lecteur à relire le poème entier pour vérifier s’il a bien vu le changement.
Dans le septième vers, le poète déclare « Mon âme est noire : Où vis-je, où vais-je ? ». L’adjectif « noire », dans cette situation, est un euphémisme pour la mort. Nelligan ne sait que faire de sa vie, donc, dans le poème, il déclare que son âme est noire.
J’ai choisi ce poème parce que j’apprécie le lexique de l’hiver et du désespoir, deux thèmes reliés. Effectivement, le vocabulaire riche et vif employé dans chacun des vers m’a ému profondément. J’ai aussi apprécié les figures de style et le jeu sur le langage, notamment l’expression « Ah ! comme la neige a neigé ! »
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